Dirigeant Entreprises
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Qui a pu oublier la montée puis la chute de Jean-Marie Messier et de son projet pharaonique du Vivendi Universal ? Les Guignols de l’Info en faisaient tellement des gorges chaudes… Marier médias et télécoms pour offrir le contenu et l’accès va-t-il être possible un jour ?

En 2002, Jean-Marie Messier rêvait de fusionner au sein d’un même groupe contenu et contenant, pour maîtriser toute la chaîne médiatique et permettre de faire converger les télécoms et les médias. Pour atteindre son objectif, il avait endetté le groupe et quitté la discrétion habituelle des énarques, jusqu’à ce que son conseil de surveillance, lassé, décide de le limoger…

13 ans après, Jean-Marie Messier est devenu banquier d’affaires avec Erik Maris, ancien associé gérant de la banque Lazard, et conseil en fusions et acquisition à Paris, Londres et New York, mais personne ne sait s’il rêve encore à cette convergence média-télécoms qui se profile des deux côtés de l’Atlantique… Hasard, coïncidence ou travail en sous-main d’une éminence grise ? La tentation de faire converger télécoms et médias semble être très à la mode.

L’exigence d’accéder tout le temps et en tout lieu à du contenu

Cette convergence semble revenir sur le devant de la scène avec même une édition annuelle des « Assises de la convergence des médias » qui se tiendra pour la 9ème fois en décembre 2015.
Déjà, en décembre 2013, François Louette, le président de la Fédération française des télécoms intervenait pour expliquer que la mondialisation des réseaux entraînait une explosion du nombre d’offreurs de contenus et un morcellement de la consommation, détaché de tout impact géographique.

Les évolutions technologiques des télécoms de plus en plus rapprochées ont créé l’exigence chez le consommateur d’accéder tout le temps et en tout lieu à du contenu, passant d’un support à l’autre ou devenant journaliste via son iPhone, et ce consommateur semble se tourner en priorité vers les contenus gratuits offerts par les « GAFA » (Google propriétaire de YouTube, Amazon, Facebook et Apple).

Bolloré avance ses pions dans les médias et la communication

La réplique s’est organisée visiblement récemment avec les dernières acquisitions des deux groupes menés par les deux barons d’industrie que sont Vincent Bolloré et le Franco-Israélien Patrick Drahi.

Ainsi le groupe Bolloré, historiquement fabricant de papier de cigarettes puis actif dans le transport-logistique, avance ses pions dans les médias et la communication depuis quelques années.
Par le biais de filiales, il est détenteur de licences de transmission hertzienne de données de haut débit (Wimax) dans 22 régions mais il est aussi propriétaire à 80% de Dailymotion, du quotidien gratuit DirectMatin, d’Intervalles, une agence de production évènementielle, de 10% de la société Gaumont pour la logistique audiovisuelle et le cinéma, de 100% de l’institut de sondage CSA et du groupe Havas, filiale à 60%. Et s’il détient seulement 15% de Vivendi, il y est cependant un actionnaire, voire un partenaire, très présent ce qui lui permet d’influencer la politique des deux filiales de Vivendi que sont Canal Plus et Universal Music Group, soit 40% du marché mondial de la musique !

Pour finir de brosser le tableau de son implantation dans les médias et les télécoms, il vient de faire une entrée agressive en octobre 2015 au capital des sociétés de jeux vidéo Ubisoft et Gameloft et d’acheter Télécom Italia.

Construire un champion mondial des contenus

Lors d’un débat avec le président d’Orange début novembre, le président du directoire du groupe Bolloré, Arnaud de Puyfontaine a réaffirmé son ambition de construire un champion mondial des contenus, alors que la société Orange veut rester centrée sur son métier et sa culture de diffuseur. Hier faiseur potentiel d’opinions, aujourd’hui le groupe Bolloré a déjà tous les moyens de les diffuser et veut encore l’accroître…

Autre exemple de stratégie d’implantation plus récente dans le domaine, Patrick Drahi est le président fondateur du groupe Altice et ainsi propriétaire de Numéricable et SFR. Il a commencé par étendre son emprise sur les câblo-opérateurs en rachetant Cablevision et Suddenlik, aux USA, puis Portugal Telecom. Puis il s’est tourné vers la presse en l’emparant de Libération, l’Express et Stratégies. Aujourd’hui, il est en passe de racheter via NextRadio TV, les médias BFMTV, RMC et 01net, au prix d’un vertigineux endettement de 45 milliards d’Euros.

Le financement via l’endettement

Pour ces deux exemples, le financement se fait via l’endettement de leurs sociétés, tout comme jadis Jean-Marie Messier l’avait fait. Le proche avenir nous dira si l’époque est maintenant prête à accueillir ce modèle économique ou si l’échec Vivendi Universal va se reproduire à nouveau… Une chose est sûre : les prochaines Assises de la Convergence des Médias parleront du Cloud TV et de personnalisation avec le titre prometteur de « Audiovisuel français : la transformation par le Cloud ! » Le sens de l’histoire est bien la personnalisation à outrance du contenu…