Les big pharmas stoppent leur stratégie de diversification pour sauver leur croissance

A l'image de Sanofi, les laboratoires pharmaceutiques se séparent de certaines activités pour se concentrer sur les plus porteuses, notamment l'oncologie, le diabète et les thérapies des maladies auto-immunes. Pâtissant d'une croissance inférieure à la moyenne dans le marché des médicaments, les "big pharmas" cherchent un second souffle.
Jean-Yves Paillé
Pour 2016, le mouvement des fusions acquisitions ne va pas s'essouffler, selon EY..

Année mouvementée dans l'industrie pharmaceutique. Le montant des transactions a atteint un record en 2015 avec une valeur totale de plus de 300 milliards de dollars, contre 200 milliard en 2014, une année déjà record. Les "big pharmas" -les plus gros laboratoires pharmaceutiques- "ont dominé le marché des fusions acquisitions et autres transactions l'année dernière" avec environ 200 milliards de dollars de transaction, détaille le cabinet de conseil EY dans un rapport publié le 20 janvier.

L'acquisition d'Allergan par Pfizer, afin d'élargir ses activités et de bénéficier d'une fiscalité plus favorable (Pfizer n'avait pas caché que son intérêt pour le fabricant du traitement anti-rides Botox tenait au fait que le siège était en Irlande où l'impôt sur les bénéfices est presque trois fois plus faible qu'aux Etats-Unis) est un cas particulier. Car dans la plupart des autres transactions, les "big pharmas" ont cherché avant tout à restreindre leurs portefeuilles. Elles ont abandonné certaines activités pour en renforcer d'autres, ce qui est un changement global de stratégie. Jusque-là, les gros laboratoires pharmaceutiques souhaitaient être présent dans un maximum de marchés dans le médicament.

Désormais, "les "big pharmas recherchent le leadership dans un portefeuille de thérapies réduit," analyse Marc-André Audisio, associé responsable du secteur Sciences du Vivant au sein du département Transaction Advisory Services chez EY

Parmi les plus importantes transactions récentes s'inscrivant dans cette stratégie, le britannique GSK a choisi de consolider son activité vaccin et a cédé son activité oncologie pour 16 milliards de dollars en mars dernier à Novartis qui conforte ainsi sa position de numéro 2 sur ce marché, derrière Roche. Également, fin 2014, Merck avait cédé son activité de santé grand public à Bayer pour 14,2 milliards de dollars.

Virage en épingle dans la stratégie de Sanofi

L'exemple le plus récent de recentrage des activités est celui du français Sanofi. En décembre, le groupe dirigé par Olivier Brandicourt a signé un accord avec l'allemand Boehringer Ingelheim pour lui céder sa division de santé animale du groupe pharmaceutique, Merial. En échange, la société française acquiert l'activité santé grand public (médicaments sans ordonnance) de l'Allemand -la partie en Chine exceptée-.

Une décision surprenante à première vue, puisque la santé animal était la deuxième activité du groupe connaissant la plus forte croissance au troisième trimestre (+9,3% à 607 millions d'euros, soit 6,27% de son chiffre d'affaires). Mais, comme l'explique Marc-André Audisio, "les sociétés sont prêtes à abandonner des portefeuilles très rentables si l'activité n'est pas assez développé".

En outre, Sanofi ne devrait pas ralentir son rythme de transactions. Dans une interview pour Reuters, le 21 janvier, le directeur général du laboratoire pharmaceutique Olivier Brandicourt a annoncé le recrutement d'un nouveau directeur des fusions-acquisitions, Alban de la Sablière, un ancien banquier de Morgan Stanley. Le groupe envisage de se séparer d'une partie de son activité dans les médicaments génériques en échange d'une autre activité, pas encore définie, sur le modèle de l'accord passé avec Boehringer. Son médicament phare anti-diabète, le Lantus, est de moins en moins rentable -Sanofi a enregistré un recul dans l'activité diabète de 6,6% au troisième trimestre.

Sanofi cherche donc d'autres relais de croissance. Il veut se renforcer dans l'immunologie et la sclérose en plaques, ainsi que l'oncologie. En ce qui concerne ce domaine-là, il a d'ailleurs annoncé à la fin de l'année un investissement de plus d'un milliard d'euros dans deux biotechs spécialisée dans la recherche de nouveaux traitements contre le cancer. Le groupe cumule un gros retard dans l'oncologie par rapport aux autres big pharmas (il est 11e en termes de parts de marché dans le domaine en 2014, selon EY). L'oncologie est sa plus petite activité en termes de chiffre d'affaires (environ 5% de ses revenus au troisième trimestre) mais enregistre une croissance de 5,4%.

Les big pharmas se disputent trois secteurs

L'oncologie fait partie des trois secteurs d'activité pharmaceutiques au plus fort potentiel de croissance avec le diabète et les thérapies des maladies auto-immunes, en raison de la croissance de la demande mondiale notamment, d'après EY. Pa exemple, les dépenses mondiales en consacrées aux traitements du cancer ont grimpé à 100 milliards de dollars en 2014, connaissant une hausse de 10,3% sur un an selon le cabinet IMS Health.  Le cabinet spécialisé prévoit qu'elles atteindront 117 à 147 milliards de dollars en 2018, soit une croissance annuelle cumulée de 6% à 8%.

La bataille est rude, car quasiment tous les big pharmas occupent aujourd'hui ces secteurs porteurs. Mais pour Marc-André Audisio, leur choix de se focaliser sur un nombre de marchés moins important leur permet "de se doter d'un arsenal de médicaments pour pouvoir proposer une thérapie complète", comme dans l'oncologie par exemple où plusieurs molécules sont nécessaires pour bénéficier d'un traitement complet.

L'objectif des laboratoires pharmaceutiques est de "compléter leurs portefeuilles de produits développés en interne dans ces nouvelles thérapies, pour contrer l'arrivée des génériques et la pression des organismes payeurs. Celle-ci est très importante, y compris aux Etats-Unis; les mutuelles sont en train de fusionner, ces dernières font pression sur le remboursement des produits", ajoute-t-il.

Objectif: combler les écarts de croissance

Si, selon les chiffres du Leem, le marché mondial du médicament atteint 910 milliards de dollars en 2014, soit une hausse des revenus de 8,8% sur un an, les big pharmas pâtissent d'une croissance inférieure à la moyenne du marché, note EY. Et cela représente d'importantes sommes perdues. Le cabinet de conseil estime que l'écart entre la croissance des big pharmas par rapport à la moyenne de l'ensemble du marché mondial des médicaments atteint près de 100 milliards de dollars.

"Les 'big pharmas' et les investisseurs ont été aveuglés par les résultats positifs, la création de valeur et ne se sont pas rendus compte d'un écart de croissance persistant  avec le marché. Les 'big pharmas' sont rattrapées par les laboratoires spécialisés et les biotechs. Elles sont donc obligées de se lancer dans les programmes d'acquisition".

Pour 2016, le mouvement des fusions acquisitions ne va pas s'essouffler, selon le cabinet. Il prévoit de nombreuses autres transactions. Mais peu de chances de voir de nouveaux méga deal comme le rachat d'Allergan par Pfizer, estime-t-il néanmoins.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 22/01/2016 à 18:29
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Faire du business sur des batailles de mots, est-ce que ça pourrait faire florès comme vendre le vent dans les feuilles. Pour s’enrichir à ne rien faire en disant que c’est pas juste par exemple et d’obtenir une cotisation et une indemnité qui ferait...

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