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Bayer cherche à engloutir Monsanto, pour le meilleur ou pour le pire ?

jeudi 8 septembre 2016

Bayer pourrait adopter une stratégie plus agressive pour fusionner avec la multinationale Monsanto.

Le 16 août 2016, après deux refus essuyés, Bayer a annoncé que le groupe pourrait faire une offre publique d’achat (OPA) hostile en s’adressant directement aux actionnaires de Monsanto. Le leader de l’industrie pharmaceutique allemande pourrait déployer la méthode forte pour fusionner avec le géant des OGM afin de devenir le numéro un de l’agrochimie mondiale.

Monsanto fait la fine bouche

Depuis la première offre de Bayer en mai 2016, Monsanto rechigne les propositions de rachat. Le groupe allemand pourrait donc adopter la manière forte et ignorer l’avis des dirigeants de Monsanto.

Le champion de l’alimentation génétiquement modifiée, avec un chiffre d’affaires annuel de 13,5 milliards de dollars, va mal avec la baisse de la demande pour ses engrais et la hausse du dollar. Bayer lui fait la cour depuis le mois de mai 2016, avec une première OPA amicale de 122 dollars par action soit un total de 62 milliards de dollars. Le 24 mai Monsanto a toutefois rejeté cette offre et a reçu mi-juillet une deuxième « demande en mariage » pour 125 dollars par action soit un total de 63,5 milliards de dollars. La multinationale américaine ne s’est pas laissé séduire si facilement et, le 19 juillet, elle a de nouveau refusé une proposition jugée « inadéquate et insuffisante » dans l’espoir de faire monter les enchères à 130-135 dollars par action.

Le groupe allemand s’impatiente, et pourrait donc envisager une OPA hostile pour acquérir la multinationale. Bayer considère que les négociations sont entrées dans une phase décisive et a déclaré le 16 août 2016 pouvoir se tourner directement vers les actionnaires afin de leur soumettre sa proposition de rachat, en outrepassant l’opposition des dirigeants de Monsanto. Cette stratégie pourrait conduire à hausse du prix d’achat de 5 à 10 %. Le groupe a donc décidé de déployer, si nécessaire, la manière forte pour devenir le maître de l’entreprise créatrice du Roundup.

« Le mariage des affreux »

La fusion entre le leader allemand de l’industrie chimique avec la multinationale spécialiste de l’agriculture OGM, qui pourrait aboutir à la création d’un mastodonte de l’agrochimie, est sujette à controverse.

Malgré les déclarations de Werner Baumann, le P-DG de Bayer, qui affirme que cette fusion permettrait de combiner le savoir-faire des deux entreprises pour nourrir la population mondiale, les motivations réelles pour acquérir Monsanto sont à peine voilées. Le marché mondial des semences est détenu à plus de 50 % par Monsanto, DuPont et Syngenta, et les deux dernières entreprises ont fusionné cette année avec des géants de l’industrie chimique (DuPont et DowChemicals en décembre 2015, Syngenta et ChemChina en février 2016). Face à cette concentration sans précédent, Bayer veut se positionner de manière stratégique afin de prendre les rênes du secteur de l’agrochimie en acquérant Monsanto. Aspirant à devenir la multinationale des « sciences de la vie », Bayer pourrait ainsi avoir jusqu’à 23 milliards de dollars annuels de ventes combinées entre ses activités pharmaceutiques, chimiques et agricoles.

Outre les problèmes en matière de droit de la concurrence, la fusion entre ces deux entreprises à la réputation sulfureuse pose de réelles questions en terme d’environnement et de santé publique. Créée en 1901 comme entreprise productrice de plastiques, Monsanto se tourne progressivement vers les OGM, les semences et les pesticides (dont l’Agent orange utilisé pendant la guerre du Vietnam). Ses produits phares, l’herbicide Roundup et ses OGM Roundup-Ready résistantes au traitement par le pesticide, ont été décriés pour leurs impacts alarmants. Le glyphosate, composant principal du Roundup, a même été reconnu en mars 2015 comme possiblement cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé.

De l’autre côté, Bayer été fondé en 1863 en tant que société pharmaceutique et s’est rendue célèbre pour sa production d’aspirine et de dérivés d’héroïne. Le géant allemand compte également quelques scandales à son actif. Mis en cause pour ses liens avec l’Allemagne nazie, le groupe a été récemment pointé du doigt pour avoir commercialisé des médicaments dangereux pour la santé et qui seraient à l’origine de centaines de décès (anti-cholestérol Lipobay, pilules contraceptives de 3ème et 4ème génération, produits à base de sang contaminé par le VIH). Bayer est également tristement célèbre pour avoir mis au point les pesticides néonicotinoïdes Gaucho et Proteus qui seraient responsables de la disparition des abeilles et auraient un impact désastreux sur la santé humaine.

Si Bayer parvient à séduire ou à forcer la main à Monsanto, ce couple sans commune mesure excellant dans les semences génétiques modifiées pour les uns, médicaments dangereux pour la santé et pesticides cancérigènes pour les autres, pourrait engendrer une prochaine génération d’innovations…et de polémiques.